Svastika dans le quartier, danger !

 

 

 

 

                        Sur les murs du porche en-dessous duquel se réunissent pour tuer le temps les jeunes de mon quartier, et les moins jeunes, sont apparues dernièrement des svastikas. Il sont toute sorte d’hommes à avoir quasiment élu domicile ici : le fier-à-bras adepte des films d’arts martiaux, le chômeur au long cours qui n’ouvre jamais la bouche, le spécialiste des ragots, le buveur de canettes taciturne, l’amoureux des mots qui essaie de temps à autres, nonobstant l’indifférence générale, de démarrer quelque chose qui ressemblerait à une conversation, le donneur de leçons qui tranche entre le bien et le mal, le jeunot qui essaie de marquer des points pour monter dans la supposée hiérarchie du groupe.

Il faut de tout pour faire un monde, et il y a ici de tout. Enfin, pas vraiment pas de tout. Ici, on ne rencontre pas d’avocat, ni de millionnaire, il n’y a personne qui ait un futur assuré, personne non plus avec un travail stable, personne qui ne passe « les lundis au soleil ». Et les mardis, et les mercredis. Et une semaine après l’autre. Et un mois après l’autre.

Que l’on trouve des svastikas dans certains quartiers, cela peut à la rigueur se comprendre. Il y a des imbéciles partout, et partout les imbéciles ont besoin de se faire remarquer. Que cela se produise dans mon quartier, en revanche, est pour moi une chose nouvelle et on ne peut plus étrange. Je m’explique. Là où je vis, la grande majorité des habitants sont d’origine maghrébine. Ce n’est pas la première fois que la svastika est utilisée en guise de provocation, et ce ne sera pas la dernière. Il y a quelques années, un fait divers fit la une des journaux . En plein centre de Paris, une femme avait été attaquée par un groupe de jeunes gens de type nord africain, lesquels, après l’avoir dûment  rouée du coup, dessinèrent sur son ventre une svastika. Cela provoqua un scandale du tonnerre de Dieu. Le président Chirac lui-même intervint. Sharon, quant à lui, ne fit rien moins qu’inviter ses coreligionnaires français à abandonner l’hexagone pour rejoindre l’état d’Israël. Au bout du compte, l’agressée finit par avouer que rien tout cela n’était vrai. Tout était pure invention de sa part.

Il semble que dans les synagogues, on ait pris l’habitude d’essuyer des insultes et des provocations de ce style. Les Nazis nous ont pour ainsi dire accoutumés à cela. De la part de Français d’origine maghrébine, le phénomène est plus étonnant. Que je sache, ces derniers ne prétendent à aucune supériorité raciale, ni à rien qui y ressemble. Alors pourquoi ces svastikas? En Iran, et en d‘autres endroits du monde islamique, on nie parfois depuis les plus hautes sphères gouvernementales l’holocauste. Cela favoriserait-il de tels actes ?

Le Pen, qui déclara que les fours crématoires étaient une anecdote de la 2ème guerre mondiale, et qui s’adonna à la torture en Algérie, doit se sentir un peu embarrassé avec de tels alliés : les Arabes honnis contre ces autres honnis que sont les Juifs !

Il est possible que Sharon soit celui qui ait le plus œuvré pour l’antisémitisme au cours de ces dernières années. Il est possible aussi que certains Français d’origine maghrébine éprouvent un sentiment de frustration à l’encontre d’une société qui leur refuse leur pain légitime. Il est possible que les conséquences de la guerre en Irak, du nouveau gouvernement palestinien, de la politique des Etats Unis d’Amérique aient fini par se répercuter jusque dans mon quartier. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que mon sommeil est moins paisible depuis que je sais que certains de mes voisins passent leurs nuit à dessiner des svastikas sur les murs autour de moi.

Il faut espérer que le rapprochement des peuples va bientôt commencer à produire quelques effets concrets, que celui-ci ne restera pas indéfiniment lettre morte dans l’histoire. Mes amis, qui se dénomment eux-mêmes Arabes, sont des gens raisonnables, ce ne sont pas tous des extrémistes stupides. Cependant, ils n’ont pas effacé les peintures. Moi non plus d’ailleurs, je n’ose pas.

Lorsque j’entends quelqu’un tenir des propos antisémites, même s’il y a toujours un peu d’affectation dans ce genre de discours, ou un plaisir non affecté à jouer avec le feu, même si le problème de la Palestine est bien réel, moi, je dis que ce type-là est un facho. Aussi facho que la cathédrale de Burgos.       


Abel Ortiz

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