Je m’abstiens d’abord d’avoir peur de la délinquance et de l’insécurité, trop occupé que je suis par l’injustice sociale et par la spoliation politique dont les partis de tout bord sont les agents.

       

          Je  m’abstiens ensuite d’avoir peur du grand méchant loup introduit, hier, dans le troupeau par un berger socialiste contre son jumeau de droite, aujourd’hui, bénéficiaire de la bête.

 

          Je m’abstiens toujours, d’avoir peur de ceux qui ont peur de l’autre, de haïr ceux qui ont rallié le parti de la haine, de mépriser ceux qui se sentent anéantis par le libéralisme et qui cherchent dans l’étranger un bouc émissaire.  Les privés de tout, et à  commencer par l’estime d’eux-mêmes, trouvent dans la haine de l’autre une illusoire compensation que je ne parviens pas à leur reprocher.

 

          Je m’abstiens encore de céder à l’intimidation et à l’illusion républicaine et électorale. Chaque candidat est un cadeau pour l’autre et une plaie pour nous. Comment se fait-il qu’au soir du premier tour, d’aucun découvre qu’un candidat à l’élection à la présidence de la république n’est pas (plus) républicain ? Au motif peut-être, d’être qualifié au second tour ! ! ! Sérieusement, y a t-il un candidat plus soucieux de la chose publique que l’autre ? On connaît l’un et l’autre.

 

          Je m’abstiens aussi de choisir mon maître et je m’apprête à combattre le gagnant sur le terrain que j’aurais choisi avec las armes que j’aurais forgées sans m’offrir comme victime.

 

          Je m’abstiens résolument de compenser la déroute et la décomposition sociale par un réflexe unitaire et plébiscitaire pour un inattendu sauveur suprême, jusque là représentant patenté du libéralisme.

 

          Je m’abstiens de voter pour celui qui saura pactiser, voire s’allier avec les amis de la bête.

 

          Je m’abstiens, je persiste et signe, plutôt deux fois qu’une.

 

 

                                                                          Michel Negrell

 

                                                                             1 mai 2002

 

          P.S.  Il s’agit moins de combattre les illusions (  réactionnaires, fascistes) de la situation, que de combattre une situation ( sociale et politique libérale) qui a besoin de ces illusions.